Bonjour à
toutes et à tous,
Aujourd'hui,
je vais vous présenter mon interview de Céline Piret, illustratrice en
archéologie que j'ai découvert cet été avec ses petits arckéofacts
!
Bonjour Céline pourrais-tu te présenter ?
Bonjour !
Mon nom est Céline Piret, je suis née en Belgique à l’automne de l’an de grâce
1991, quelque part entre le Grunge et la chute du mur... J’ai donc 25 ans, je
mesure 1m54, je suis scorpion, j’ai deux petits perroquets (Raptor & Youpi)
et une minuscule Hyundai couleur terre. Et je cause de trop. Voilà on est
présentés (rires).Je suis archéologue depuis 2015 et je me suis spécialisée en
Préhistoire à l’université catholique de Louvain.
Depuis 2016, je travaille au Préhistomuseum de Flémalle, le plus grand musée de Préhistoire d’Europe avec ses 30 ha d’activités préhistoriques. J’y travaille comme médiatrice scientifique, c’est à dire que je m’amuse à raconter la Préhistoire aux écoliers et aux visiteurs avides de nouvelles expériences : avec notre super équipe, on invite les gens à faire du feu, tailler le silex, chasser le renne à la sagaie etc etc . Pour plus de renseignement, allez sur le site !
Depuis 2016, je travaille au Préhistomuseum de Flémalle, le plus grand musée de Préhistoire d’Europe avec ses 30 ha d’activités préhistoriques. J’y travaille comme médiatrice scientifique, c’est à dire que je m’amuse à raconter la Préhistoire aux écoliers et aux visiteurs avides de nouvelles expériences : avec notre super équipe, on invite les gens à faire du feu, tailler le silex, chasser le renne à la sagaie etc etc . Pour plus de renseignement, allez sur le site !
En dehors de
ce super boulot, j’essaie de me faire un nom dans le dessin de reconstitution
en archéologie.
Comment t’es
venu le choix de l’archéologie plus qu’un autre ?
C’est une longue
histoire ! Accrochez-vous, haha. Depuis toute petite, je dessine. Enfant
unique, cela occupait une grande partie de mon temps libre et le temps restant,
je dévorais les bandes dessinées ; une passion partagée avec ma famille,
définitivement littéraire. Quand on me demandait quel était le métier de mes
rêves, je répondais pourtant avec conviction que je deviendrais paléontologue
(comme beaucoup d’enfants !) Très gâtée par mes parents, j’avais des tas
de livres sur tous les sujets, notamment sur la paléonto mais aussi sur les
cultures et civilisations. Au début de l’école secondaire, je créais mes
propres bandes dessinées, j’avais pour héros un petit dragon (je suis montoise
d’origine !) flanqué d’une bande de dinosaures pour amis, qui vivaient de grandes
aventures (rires). Quelques années plus tard, j’ai compris grâce aux adultes
que le milieu artistique était ingrat, que le dessin resterait certainement
quelque chose de récréatif dans ma vie, cela m’a convenu. Dans ma tête, je
me disais que les jobs où le dessin servait ne manquaient pas, en réalité. A
moi de trouver comment combiner tout ca. Au sortir de mon option grec ancien –
langues – littérature en rhétorique j’ai décidé de me lancer dans des études de
biologie à l’université. Je rêvais d’évolution des espèces, d’entomologie et
d’éthologie. Très vite, évidemment, la première année éliminatoire m’a rappelé
mon passif littéraire... Je me suis plantée en math et physique, comme
beaucoup, et j’ai dû me reconvertir. J’avais bien sûr lorgné sur le descriptif
des études d’archéologie, dont les intitulés de cours me faisaient rêver ;
je m’étais dit un peu follement que ce serait mon second choix en cas de pépin
mais je devais en discuter avec mes parents, qui me voyaient davantage épouser
une formation dans le milieu des sciences (famille de médecins). Inquiets de
l’avenir incertain et des débouchés dans cette discipline, ils m’ont pourtant
laissé la liberté de choisir, je leur en suis très reconnaissante. Je me disais
« on galèrera avec les débouchés plus tard ! » J’ai adoré mes
études de bout en bout mais je voulais profiter de l’université pour embrasser
d’autres sciences. Obstinée, j’ai complété ma formation avec les cours de
biologie cellulaire, animale, de génétique et de paléontologie qui
m’intéressaient depuis le début ; j’ai ensuite terminé mes études en
suivant des cours spécifiques en faculté de communication ; des cours
propres au langage des images, à leur emploi dans le domaine de la transmission
des sciences et leur épistémologie (cela me fut autorisé car cela touchait mon
sujet de mémoire ; mémoire que j’ai écrit en trois ans). Je suis sortie de
l’unif en 2015, j’ai prolongé un peu mon job d’étudiant puis j’ai trouvé du
travail en 2016 en archéologie, à force de postuler partout. Beaucoup n’ont pas
eu ma chance, j’en reste consciente tous les jours.
Comment
procèdes-tu pour faire une illustration de restitution/ reconstitution ?
D’abord, je
discute beaucoup avec les commanditaires, souvent des musées ou des
commissaires d’expo. Ils présentent des contraintes qu’il faut prendre en
compte d’emblée : dimensions, éclairage, délais... et bien sûr
budget ! Si le musée est en Belgique, je fais le déplacement pour voir où
l’on compte placer la reconstitution. Ensuite, les commanditaires m’exposent
leur projet ; je pose beaucoup de questions, notamment en rapport avec les
détails (pour éviter les anachronismes quand il s’agit d’une période pour
laquelle je ne suis pas spécialisée). Une fois tout cela noté, je soumets un
devis, qui sera accepté ou pas. Une fois accepté, à moi de gérer ensuite
correctement mon temps pour garantir la qualité du travail dans le nombre
d’heures préalablement estimé. Vient alors le premier croquis, qui sera soumis
à l’approbation du musée pour me donner le feu vert. S’ensuit alors une phase
de recherche durant laquelle je me documente beaucoup pour ne laisser aucun
détail au hasard. (Pour une reconstitution d’une cuisine celte, pas question de
mettre une patate sur la table par exemple !) J’achète des livres, je lis
des articles, et régulièrement, je soumets l’avancement du travail au client
pour qu’il puisse, au besoin, changer quelques éléments en cours de route. Le
problème qui survient parfois, c’est quand le client s’autorise trop de
changements, ce qui rallonge considérablement le travail. Il faut que l’on
s’entende dès le départ pour éviter du travail inutile et perdu. La diplomatie
est indispensable dans ces négociations !
Quand je
crée des reconstitutions pour moi, j’ai tendance à délaisser les objets et
l’architecture pour représenter plutôt des gens (Otzï, Neandertal, etc.), cela
m’inspire davantage. Les regards que l’on peut y insuffler sont pour moi une
proximité émotive avec le passé, un dialogue avec nos prédécesseurs. Comme au
cinéma, pour immerger le spectateur dans l’histoire, pour capter son intérêt,
il faut créer de l’empathie, qu’il puisse s’identifier aux protagonistes. Cet
avis n’engage que moi mais je pense qu’en archéologie, c’est pareil. On a
besoin d’images pour matérialiser une réalité révolue, pour faire le lien entre
les fragments rouillés de fibules contenus des vitrines et les personnes qui
les ont portées dans les drapés complexes de leurs habits. Certains
archéologues se méfient de cette émotion car sa force peut détourner de l’info
scientifique, je le comprends mais je la trouve pourtant nécessaire pour les
raisons que je viens d’évoquer. L’image est un instrument profondément humain,
qui sert à s’identifier, à se comparer aux protagonistes : gestes, outils,
apparence, vêtements, habitat, travail, etc. On rappelle au visiteur que
l’archéologie parle de gens, avant de
parler d’objets. Evidemment, s’il n’y a que de l’émotion qui ne nous apprend
rien derrière ; si les données archéologiques sont invisibles voire trop
peu mobilisées, alors c’est raté, sans intérêt. Il est difficile de trouver
l’équilibre entre ces deux pôles.
Le réel
danger de l’image, c’est qu’elle est univoque et persistante. Univoque car elle
est le reflet de l’état de la recherche à un moment donné, susceptible de
changer à tout moment au gré des découvertes... Mais elle n’en reste pas moins
imprimée dans l’imaginaire collectif ; d’où sa persistance. Pensez à ces
images carrément obsolètes mais pourtant indélébiles (l’homme préhistorique
avec sa massue et ses cheveux sales par exemple). Faut-il pour autant cesser de
l’employer en sciences ? Ce n’est pas mon avis. Plus que jamais nous
vivons dans un monde d’images, en priver la diffusion de l’archéologie serait
une bêtise. Non, selon moi, nous devons multiplier les images mais intelligemment
(j’y ajoute aussi la pédagogie de geste ou l’usage du numérique) au gré des
interprétations, mobiliser l’esprit critique du visiteur pour exposer
l’éventail des possibilités. Il ne
faut jamais oublier que l’image de restitution est une proposition ; donc
par définition, elle se trompe. La vraie question c’est de savoir dans
quelle mesure elle se trompe (Brian
Leight Molineaux). Enfin, il sera toujours plus pertinent et plus proche
de la réalité si l’on montre plusieurs reconstitutions de la même chose plutôt
qu’une seule, c’est statistique. Avant, ca pouvait paraître uniquement
théorique mais aujourd’hui, la technologie numérique, la vidéo, les tablettes,
projections, la réalité augmentée et je ne sais quoi encore peuvent nous faire
jongler avec les images dans le monde muséal.
As-tu une
période préférée ?
Je suis
préhistorienne, alors oui, la Préhistoire est sans conteste ma période de
prédilection. Sans écriture, il est difficile d’avoir de quoi corroborer nos
hypothèses ; c’est une période qui pose d’immenses défis interprétatifs
parfois frustrants mais ô combien stimulants pour l’archéologue. L’étude de la
Préhistoire nous ramène à l’essence même de ce qui fait notre humanité,
l’origine de nos cultures, matérielles et certainement immatérielles, doublé
d’un rapport à la nature que nous redécouvrons tous les jours, grâce notamment
à l’ethnoarchéologie.
Plus
fascinant encore, la Préhistoire est l’unique période qui offre l’étude de plusieurs formes d’humanités car Homo
Sapiens n’est pas le seul à retenir notre attention. Ce sont des dizaines
d’espèces humaines disparues qui sont tous les jours mieux connues, renforçant
notre humilité et notre identité face à l’altérité.
Quels sont
tes projets actuels et à venir ?
Comme
toujours, je me suis lancée dans trop de trucs à la fois (rires). Il y a
évidemment mon boulot que j’adore, pour lequel je cherche à m’investir le plus
possible. J’ai aussi le dessin, évidemment. En archéologie ce serait super,
ceci dit je ne me fais pas d’illusions, ce ne sera pas pour tout de suite mais
je ne lâche pas l’affaire !
Avec des
amis archéologues, nous avons lancé depuis deux ans une chaîne Youtube appelée
« A creuser ». Aidés d’un vrai cinéaste, on se prête au jeu d’acteur
pour vulgariser l’archéologie avec humour. Nos vidéos nous ont valu de passer
dans des colloques scientifiques et des festivals d’archéologie. Cela mobilise
malheureusement un temps ainsi qu'une énergie colossaux, qu’il n’est pas toujours
facile de trouver quand on est six !
A côté de
ca, j’essaie de me maintenir à jour et d’exister au niveau scientifique.
Régulièrement, j’essaie de publier des recherches (suite de mon mémoire) dans
des revues scientifiques, participer à des colloques, donner des conférences
mais cela demande pas mal de travail de recherche et d’écriture. C’était plus
facile quand je n’avais pas encore de boulot !
Depuis moins
d’un an, je m’éclate à dessiner les Arkeofacts, qui m’ont valu un retour
phénoménal sur les réseaux sociaux ! J’étais loin de m’imaginer ça il y a
encore un mois d’ici. Avant, je ne les diffusais que pour quelques amis.
J’essaie de m’y investir à fond et d’en produire un par semaine (j’ai des
dizaines d’idées de gags dans un carnet). Si le succès se maintient, mon grand
fantasme (rire) serait de développer un livre-bédé, publier les Arkeofacts...
et un jour, pourquoi pas des produits dérivés, soyons fous ! On commence déjà à
me demander des posters, etc. Je me renseigne prudemment sur les crowdfunding.
Une inconnue qui possède un magasin en ligne m’a déjà contactée pour me faire
des propositions mais tout cela va trop vite ! Je temporise un peu avant
de me précipiter dans quoi que ce soit. Hier, même l’Inrap m’a contactée, je ne
sais pas encore ce qu’ils veulent mais je vais d’abord me faire une injection
de valium, histoire de calmer tout ça (joke)
Quels sont
tes conseils que tu donnerais à ceux qui voudraient s’orienter dans ce
domaine ?
Je ne me
considère pas encore assez expérimentée pour pouvoir donner des conseils
aux autres... Je rappelle que je viens de commencer !
Tout ce que
je peux dire, c’est « prudence ». Ne vous lancez pas corps et âmes en
pensant que ca va rouler ! A l’heure actuelle, je ne peux clairement pas
vivre du dessin de reconstitution. Les musées sont un public difficile, qui
s’atteint par le bouche à oreille... Pour vous dire, depuis mon lancement en
2015, j’ai eu trois commandes en deux ans ! Si on veut évoluer là-dedans, il
faut d’office avoir un autre job sur le côté, le temps de s’accrocher pour se
faire un nom dans la reconstitution. Avec mon boulot au musée, je suis toujours
immergée dans l’archéo, ça aide à garder la motivation. Aussi, même quand
on peut se réjouir d’avoir des commandes, c’est au niveau de la rémunération
que le bâts blesse : plus de la moitié du montant de la facture s’envole
vers l’Etat, sans parler des droits d’auteur, bien maigres et souvent amputés
eux aussi. Si on veut faire ce métier, il faut s’armer de patience et ne pas
faire ça pour l’argent : je suis en plein dans la galère du début mais je
ne désespère pas qu’un jour je puisse travailler pour de grands musées, mais
pour ca il faut bosser et susciter l’intérêt. Un de mes profs d’unif m’a dit un
jour « si vous voulez un boulot en
archéologie aujourd’hui, il faut le créer. Faites quelque chose qui n’existe
pas encore ». C’est ce que j’essaie de faire : j’essaie de
proposer un style personnel, mêlant dessin traditionnel (aquarelle et crayon)
avec le digital painting, qui permet de créer des textures et des rendus très
réalistes. Il faut aussi beaucoup se montrer, profiter des moyens disponibles
pour clamer qu’on existe, qu’on bosse et qu’on prend plaisir à relever les
challenges. Si on attend la bouche ouverte, rien ne tombe dedans (rires). C’est
pourquoi je suis heureuse et chanceuse que les Arkeofacts plaisent aux
gens : l’air de rien, ca me donne une visibilité non négligeable pour du
« plus sérieux ».
Souhaite tu
aborder d’autres points qui pourrait intéresser les lecteurs, n’hésites
pas !
Je pense que
j’ai beaucoup causé ! Je terminerais peut-être plutôt par un message pour
les lecteurs.
Je considère
que les Arkéofacts sont un peu à tout le monde, car ils parlent de notre métier
et de ses centaines de facettes, ils s’adressent aux archéologues avant toute
chose ; j’ai envie que chacun d’entre nous s’y reconnaisse, qu’on forme une
grande communauté polyvalente et interdisciplinaire dont le lien fédérateur
serait l’autodérision. Je suis contente car pour le moment, mon humour est bien
accueilli, personne ne s’est encore offusqué ni indigné ni m’a dit « c’est
de la merde », ca viendra sans doute mais pour le moment cela m’encourage
à continuer (rires) ! Quelques internautes m’ont spontanément envoyé des
petites histoires à mettre en BD et franchement j’ai bien ri ! Ca m’a
donné des idées ! Si tout le monde fait ca, j’ai des bonnes vannes à
l’infini à partager avec tous les collègues !
J’encourage
chacun à m’envoyer par message les petites « true story »
croustillantes qui feraient de bons gags, ça permet de partager toujours plus
d’archéologie ensemble :) Evidemment, chaque Arkeofact fait à partir d’une
collaboration fera mention de la personne qui me l’a inspiré ! (en bonne
archéologue, je cite toujours mes sources ;) Je trouve que c’est une super
façon pour tout le monde de s’approprier les Arkéofacts tout en garantissant
leur qualité pour longtemps ! J’espère juste avoir assez de temps pour
tous les dessiner un jour :D
Salve !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire